1984 en VF

758932031.jpgChers téléspectateurs, bonsoir !

En raison d’une grève des salariés de notre chaîne télévisée, nous ne pourrons pas couvrir ce soir l’ensemble de l’actualité. Nous avons donc décidé de concentrer nos reportages autour d’un sujet qui fait débat à l’heure actuelle : les poursuites judiciaires à l’encontre des promoteurs de la Cité Heureuse, dont l’actionnaire majoritaire Benoît Duteurtre s’expliquait aujourd’hui devant la justice. Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous informons déjà que les reportages couvriront de nouveau l’ensemble de l’actualité dès demain.

Mais d’abord, l’essentiel de l’actualité au cours de ces dernières 24h.

La chaîne télévisée Michou en grève suite à la suppression de l’émission La Roue de l’Infortune. Cette suppression, décidée hier par le comité de direction, fait suite à la disparition tragique de l’animateur du célèbre programme, Jean-Robert Petibon, disparition qui a jeté ses admiratrices dans un profond désespoir, comme en témoigne le nombre de lettres d’adieu reçues par la rédaction ces trois derniers mois. Les salariés ont demandé le maintien de l’émission, en hommage à leur bien aimé confrère et ami.

En Auvergne, émoi dans le village de Trifouilli où l’on a retrouvé ce matin le corps calciné du boulanger Duchmol avec la première fournée de la journée. L’autopsie a révélé que l’homme avait au préalable été poignardé à de multiples reprises. M. Duchmol est décédé à la suite de ses blessures. Son épouse et leur apprenti ont quant à eux disparu et sont recherchés activement par la police, qui privilégie à l’heure actuelle la thèse de l’assassinat.

Enfin, dans le Sud de la France, le petit village de Pouillastruc s’est mis au tri sélectif après les plaintes déposées par les habitants auprès du conseil municipal. Les Pouillastrucois ont fait valoir leur droit à des poubelles uniformes pour des raisons esthétiques et s’engagent à trier leurs ordures ménagères en échange des poubelles fournies par la mairie.

Revenons maintenant au sujet auquel nous allons nous intéresser plus particulièrement au cours de cette édition un peu particulière : la Cité Heureuse, également connue sous le nom de Town Park.

Lancé il y a deux ans, le projet touristique faisait à l’époque l’unanimité et beaucoup d’habitants de la future Town Park avaient placé leur espoir dans la privatisation de leur ville, qui devait aboutir à une plus grande sécurité et à des progrès dans les domaines de l’économie et de la santé. Léontine Placard revient sur ce lancement.

« En décembre 2001, la Compagnie rachète une petite ville du Sud de la France, dont le cœur historique jusque-là peu connu des touristes était en partie laissé à l’abandon par la municipalité. A l’époque, le maire se déclare satisfait de l’arrangement : un mur d’enceinte et un système élaboré de caméras devaient garantir la sécurité au sein du parc tandis que l’entretien des quartiers anciens reviendrait à la Compagnie. Cette opération devait permettre à la mairie de recentrer ses efforts sur les quartiers périphériques jugés dangereux, tandis que des subventions seraient octroyées par la Compagnie pour soutenir l’activité économique dans ces quartiers. En échange, la vieille ville devait devenir un parc à thème, les habitants pouvant bénéficier de loyers modestes en échange de leur respect de la clientèle et de leur occasionnelle participation à certaines manifestations temporaires. Le rachat de la ville a ainsi permis la restauration de ses rues et la division de Town Park en quartiers thématiques. Marie Dupois, née dans le quartier, témoigne : « Au début, mon mari et moi on était contents de voir le loyer baisser. Mon mari a continué à travailler à l’extérieur mais j’en ai profité pour m’arrêter. Je gagnais des bonus en participant tous les jours aux fêtes du Parc. Par exemple je devais m’habiller comme à la Révolution et me promener dans le Parc. Ou je devais me déguiser en robe et tablier et distribuer des gâteaux aux fêtes de charité. Pendant un ou deux ans c’était quand même bien. » Mais les choses ont changé depuis à Town Park et, ici, l’esprit n’est plus à la fête. C’était Marie Dupois pour Michou, la chaîne qui fait tout. »

En effet, depuis plusieurs mois, la grogne s’est installée parmi les habitants de la ville. Patrice Cornichon revient sur ces protestations.

« Aujourd’hui, le fondateur de la société Town Park comparaissait devant la justice. Cette audience, attendue depuis des mois par ses détracteurs, devait permettre de jeter la lumière sur une affaire qui a profondément affecté les habitants. Depuis près d’un an, les conditions avantageuses dont bénéficiaient les habitants ont été revues sans aucune concertation avec la municipalité, nous indique le maire. Celui qui avait porté le projet il y a quatre ans est aujourd’hui l’un des principaux détracteurs du système instauré par la Compagnie. « En 2001, nous avons signé un accord clair stipulant les conditions de rachat de la ville. Or à l’heure d’aujourd’hui, il est évident que la Compagnie n’a pas respecté ses engagements. Les anciens habitants sont expulsés de leurs logements. La Compagnie avait instauré un système de bonus et de malus tout à fait intéressant pour nos concitoyens. Mais maintenant les malus sont distribués à tour de bras et les habitants sont remerciés de leur confiance et de leur investissement personnel dans ce projet par des menaces d’expulsion. Les services qui étaient proposés au début ont disparu, l’entretien de la ville qui revient à la Compagnie a été complètement négligé. Nos anciens quartiers sont dans un état épouvantable et comme la Compagnie ne jure que par ses bénéfices, on ne nous parle que d’économies ! La mairie fait tout son possible pour intervenir mais avec l’afflux de personnes délogées et sans moyens aux portes de l’ancienne ville, nous nous retrouvons avec une explosion des quartiers en difficulté et faute de subventions, nous ne pouvons pas relancer l’économie dans la périphérie. J’en appelle à la responsabilité de la Compagnie et de l’Etat qui, je le rappelle, avait accordé une subvention à la Compagnie lors de l’acquisition des anciens quartiers. » Pour rappel, M. Schmock, maire de la ville, est lui aussi mis en examen en ce moment pour abus de biens sociaux. »

Chers téléspectateurs, c’est sur ce reportage que s’achève ce journal. N’oubliez pas ce soir l’extraordinaire film de Lili Sandale « Chéri, je crois que j’ai oublié mon manteau », suivi d’un débat sur le port obligatoire de chaussettes dans les lieux publics, débat qui sera animé par Arlette Sabot.

Et Lou n’a pas dit ce qu’elle en pensait : La Cité heureuse est un livre moins sombre qu’il n’y paraît à première vue. Entrecoupé de scenarii écrits par le narrateur, qui raconte son expérience à Town Park, le roman se lit très rapidement et l’écriture de Duteurtre est agréable. Si je trouve le sujet à la 1984 intriguant, le livre ne tient pas toutes ses promesses et malgré tout, manque sans doute de profondeur. Bref, une bonne idée, un auteur que j’apprécie (je vous recommande Gaieté parisienne – et pour les amateurs, on retrouve dans ce nouveau roman de vieux personnages…) mais un livre avec lequel je suis un peu restée sur ma faim.

NB : pour les dates je ne sais plus si une quelconque date figure dans le roman.

282 p

Benoît Duteurtre, La Cité heureuse, 2007

Commentaires

Malgré les promesses plus ou moins tenues, le livre me tente tout de même. IL y a un côté décalé et ironique qui semble poindre sous le sombre qui pourrait me plaire!

Écrit par : Karine | 10/04/2008

C’est bien tentant, tout ça ! Et ce, malgré les petits bémols que tu donnes 🙂 En plus, je ne connais pas du tout l’auteur !

Écrit par : Joelle | 11/04/2008

Ravie de voir que vous êtes tentées malgré ma critique un peu mitigée… effectivement c’est tout à fait décalé malgré toute la critique sociale et économique, et puis je garde un très bon premier souvenir de Duteurtre alors ça me fait plaisir de voir que je ne vous ai pas découragées !

Écrit par : Lou | 12/04/2008

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