Entre montagnes et rues étroites

germain_chanson_des_mal_aimants.jpgAmis lecteurs,

Une fois de plus votre fidèle chroniqueuse est partie vers d’autres horizons, cette fois-ci les doigts de pieds en éventail sur une plage de la côte atlantique. Espérons qu’il fasse beau, que miss Lou puisse enfin mettre à profit ses toutes nouvelles lunettes de soleil adaptées à sa vue (car cette année miss Lou pourra même se balader entre les dunes sans risquer de se prendre un roseau ! – allez, j’exagère un peu… m’enfin…).Toujours est-il que ce billet arrive donc en mon absence grâce aux talents magiques de Mister Hautetfort.

Fin 2007, j’ai eu un énorme coup de cœur pour Sylvie Germain et Tobie des Marais. Suite à mon billet, Malice m’a fait une très jolie surprise en m’offrant la Chanson des mal-aimants pour mon anniversaire, lors du premier dîner livres-échanges de 2008 (merci encore !!). Malice, qui a lu 3 livres de Sylvie Germain, avait été un peu déçue par ce roman-ci.

Je l’ai donc lu il y a des mois, en février ou mars il me semble. Et maintenant que je veux faire ma note, je dois bien admettre qu’il ne me reste pas grand-chose de cette lecture ; car j’ai bien du mal à me souvenir des différentes étapes de ce livre.

Racontée à la première personne, l’histoire est celle d’une femme de soixante ans qui retrace les différentes périodes de sa vie. Enfant albinos, abandonnée à la naissance, la narratrice son enfance dans les Pyrénées pendant la seconde guerre mondiale, auprès d’enfants et d’adolescents attendant (parfois en vain) le retour de leurs parents. Lorsque sa protectrice vient à mourir, elle est placée dans une auberge, qu’elle quitte ensuite après un drame. Travaillant dans un café près d’une gare, la narratrice vit son premier chagrin d’amour et part à Paris. Parmi ses rencontres parfois inquiétantes : un écrivain étrange dans une petite maison de banlieue, une femme amoureuse des livres décédant un jour de façon brutale, la patronne d’une maison menacée de démolition, des saltimbanques et des sans-abri. Enchaînant les métiers les plus différents dans sa vie, l’héroïne suivra toujours son instinct, avant de retourner dans les Pyrénées finir sa vie.

« Mais personne ne vient, ni fantômes ni vivants. Ma solitude se joue à ciel ouvert comme lors de ma naissance, dans la même indifférence de mes congénères. A présent, elle se joue au ralenti, et le peu d’histoire qui a composé ma vie est en train de se dissoudre dans l’oubli ; le texte s’en efface à mesure où je me le remémore et l’évoque. Un texte écrit sur de la buée. Au moins, arbres et oiseaux magnifient le décor de cet acte final sans personnages, sans action apparente, sans dialogue. Juste un monologue de plus en plus ténu que le silence corrode en douceur. Mais il reste tellement à entendre dans le silence, tellement à voir alors que tout, pourtant, a disparu, et toujours à aimer quand tout le monde s’est retiré. Le rideau peut tomber sur la scène déserte, le spectacle continue, autrement. »

Etrangement, mon premier Sylvie Germain avait pour cadre la région Poitou-Charentes, dont je suis originaire. Celui-ci, entre les Pyrénées et Paris, oscille entre le pays natal de ma mère et la ville où je viens de passer un certain nombre d’années. En somme, toujours des cadres aux saveurs particulières pour moi.

J’ai une fois encore beaucoup aimé le style de Sylvie Germain, sa fluidité et le rythme inhérent à la narration. « La sève, l’encre – un même sang obscur coulant avec lenteur, roulant vers la lumière, et frémissant de la rumeur du monde. »

L’histoire, originale, ne m’a cependant pas autant séduite que lors de mon premier contact avec cet auteur. Peut-être est-ce dû au personnage effacé, presque indifférent et d’une certaine façon retiré du monde qui l’entoure. Peut-être ai-je eu du mal à accorder quelque crédit à ces souvenirs, mais cela ne me gêne généralement pas donc ce n’est sans doute pas le cas. En somme, la lecture a été agréable, peut-être sans heurt, mais bien en deçà du choc provoqué par la découverte de Tobie des Marais. Je me souviens avoir été comparativement déçue. Pourtant, en feuilletant à nouveau ce roman, je suis frappée par la richesse de l’univers de Sylvie Germain, par sa prose unique qui me séduit tant. Ce sera donc un avis en demi-teinte. Encore un très beau texte ; une belle histoire, réaliste et pragmatique malgré le destin inhabituel de l’héroïne. Mais un récit qui m’aura un peu moins touchée que celui de Tobie.

Je garde un bon souvenir du passage où Laude-Marie, la narratrice, évoque l’époque à laquelle elle travaillait pour une famille aisée en déclin, entre une mère âgée et digne et un fils handicapé à vie par un coup de fusil « accidentel » dans le visage. L’héroïne finit par percer à jour les secrets des habitants du manoir. Un passage intéressant et mystérieux d’une certaine intensité dramatique. Un court extrait : « Les visiteurs étaient rares. Ne se rendaient au manoir que le docteur Larracq, trois ou quatre fois par semaine, pour surveiller l’état du naufragé, le pasteur Simon Erkal, de façon irrégulière mais pour de longues visites, et un neveu de la baronne, Fulbert Fontelauze d’Engrâce, deux fois par mois. Si la maîtresse des lieux raccompagnait le médecin et le pasteur jusqu’au perron après chacune de leurs visites, jamais elle ne faisait cet honneur à son neveu. Plus jeune que son fils, portant beau et sûr de lui, ce Fulbert n’était aux yeux de sa tante qu’une motte de boue fétide camouflée dans un sachet doré. Elle flairait en lui un petit charognard qui louchait sur le manoir, le parc et les bois. Il se savait excellemment placé dans la course à l’héritage, Agnès était morte sans enfant et Philippe, resté célibataire, n’était plus qu’un zombie qui, si jamais il survivait à sa mère, serait incapable de faire valoir ses droits. On devinait le fringant Fulbert tout prêt à propulser le fauteuil du vieil orphelin droit dans un asile pour handicapés. »

270 p

Sylvie Germain, Chanson des mal-aimants, 2002

Commentaires

Le livre ne me tente pas vraiment mais je te souhaite de bonnes vacances, un beau soleil et de belles lectures 🙂 Repose-toi et profites-en bien !

Écrit par : Joelle | 17/07/2008

Figure-toi que je te surveille en permanence et je suis ravie de voir que tu aimes un auteur français et vivant ! 😉

Écrit par : Caro[line] | 18/07/2008

Je suis une admiratrice de S.Germain. Comme toi j’ai trouvé extraordinaire « Tobie des marais ». « L’enfant méduse » et « Jours de colère » sont également excellents.
Ce titre-là est en attente dans ma PAL.
Bonne continuation estivale…

Écrit par : Anne | 18/07/2008

Je viens enfin de répondre au tag sur les habitudes de lecture que tu m’avais refilé ;-).

Écrit par : Agnès | 19/07/2008

Au fait j’oubliais: cette fois, c’est moi qui te tague ;-).

Écrit par : Agnès | 19/07/2008

J’ai souvent croisé le nom de l’auteur, mais je ne suis pas plus tentée que ça.

Écrit par : Lilly | 20/07/2008

J’ai acheté « Magnus » de l’auteur, à cause du toutou sur la couverture… je vais attendre de voir ce que je vais en penser avant de me plonger dans celui-ci!

Écrit par : Karine | 23/07/2008

Je n’ai jamais rien lu de cette auteure… J’avais déjà vu « Magnus » qui m’avait interpellé mais je ne l’ai pas acheté.

Écrit par : kesalul | 24/07/2008

@ Joëlle : merci ! J’ai déjà pris des couleurs à la mer, maintenant, les lacs et les forêts allemandes m’attendent :o)

@ Caro[line] : ah mais tu as vu, maintenant il y a un certain nombre d’auteurs français contemporains sur mon blog :p A l’origine c’est toi qui m’as poussée… merci !!!

@ Anne : « L’enfant méduse » me tentait tout particulièrement. Mais j’avoue avoir eu un tel coup de coeur que je pense de toute façon lire tous ses livres progressivement.

@ Agnès : je vais voir ça, en revanche, comme je n’ai accès que peu de temps à mon pc aujourd’hui avant de repartir en vadrouille, je n’aurai peut-être pas le temps de répondre au tag de suite. D’ailleurs j’en ai au moins un autre en retard :o(

@ Lilly : Essaie « Tobie des Marais », je pense que par rapport à tes lectures cela pourrait vraiment te plaire. L’écriture est superbe, le sujet ambitieux, le résultat envoûtant !

@ Karine : j’ai justement « Magnus » en attente, et le fait d’écrire mon billet sur cet autre Sylvie Germain m’a donné envie de le lire. Moi aussi j’avais craqué à l’origine pour le Teddy, à l’époque je ne savais rien de Sylvie Germain.

@ Kesalul : pour moi la première lecture a été une vraie révélation alors je ne peux que te la recommander… mais bien sûr c’est toujours subjectif !

Écrit par : Lou | 24/07/2008

Je le rajoute à ma liste, car j’adore cet auteur.

Écrit par : liliba | 25/07/2008

J’avais adoré « Magnus » grâce auquel j’ai découvert Sylvie Germain. Celui-ci ne figure pas encore dans ma liste mais ça ne devrait pas tarder…!

Écrit par : Isabelle | 29/07/2008

J’ai découvert Sylvie Germain avec « La pleurante des rues de Prague », lu quelques jours avant d’aller pour la première fois à Prague, quelques mois seulement après la chute du mur de Berlin. Ouvrage riche, prenant, remuant, comme tous les livres de Sylvie Germain.

Écrit par : Hub | 04/08/2008

J’ai découvert Sylvie Germain avec « La pleurante des rues de Prague », lu quelques jours avant d’aller pour la première fois à Prague, quelques mois seulement après la chute du mur de Berlin. Ouvrage riche, prenant, remuant, comme tous les livres de Sylvie Germain.

Écrit par : Hub | 04/08/2008

@ Liliba : je ne la voyais pas beaucoup sur les blogs et maintenant, en en parlant je retrouve beaucoup d’autres lecteurs conquis !

@ Isabelle : … avec une recommandation spéciale pour « Tobie des Marais », excellentissime !

@ Hub : maintenant que je viens de découvrir Prague je pourrai sans doute l’apprécier d’autant plus. Effectivement, la richesse et la subtilité des romans de Sylvie Germain en font un auteur à part.

Écrit par : Lou | 09/08/2008

@ Liliba : je ne la voyais pas beaucoup sur les blogs et maintenant, en en parlant je retrouve beaucoup d’autres lecteurs conquis !

@ Isabelle : … avec une recommandation spéciale pour « Tobie des Marais », excellentissime !

@ Hub : maintenant que je viens de découvrir Prague je pourrai sans doute l’apprécier d’autant plus. Effectivement, la richesse et la subtilité des romans de Sylvie Germain en font un auteur à part.

Écrit par : Lou | 09/08/2008

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