Prêt-à-porter

wolniewicz_temps_chute.jpg(Pour ceux qui ont oublié ce film, la BO diffusée partout il y a une quinzaine d’années avait pour refrain ces paroles imagées : « Naa, nanananaa, nanana… »)

Voilà la toute dernière note liée au prix Landerneau, avant mon classement personnel et le choix du livre qui m’aura le plus marquée. Le Temps d’une Chute m’a permis de découvrir un éditeur que j’avais remarqué sans pour autant saisir l’occasion de lire un de ses romans. Ce n’était sans doute qu’une question de temps… quoi qu’il en soit, le prix Landerneau m’a permis de concrétiser de vagues projets de lecture.

Le Temps d’une Chute m’attirait a priori de par la collection, le titre mélancolique assez imagé et les quelques mots entraperçus en parcourant rapidement le 4e de couverture. Il faut dire que pour ce prix, j’ai cherché à être le moins influencée possible avant de me plonger dans ma lecture ; je n’avais donc souvent qu’une idée très vague du sujet avant d’ouvrir les huit livres. J’avais tout de même parcouru plusieurs critiques en ligne, la plupart du temps assez négatives.

Comme pour Véronique Ovaldé dont j’avais lu beaucoup de critiques enthousiastes mais qui a vraiment déçu beaucoup d’entre vous récemment, je vais m’inscrire un peu en porte-à-faux ici, avec un billet plus positif que la plupart de ceux que j’ai pu lire. J’ai essayé de faire figurer à peu près tous vos avis ci-dessous, n’hésitez surtout pas à intervenir pour laisser un lien ou donner votre avis si je vous ai oubliés !

Le Temps d’une Chute est l’histoire Madeleine Delisle, qui voit défiler sa vie à la suite d’une chute du haut de son immeuble. Issue d’une famille modeste, Madeleine perd sa mère alors qu’elle est encore jeune et est envoyée dans un orphelinat tenu par des religieuses par un père qui n’a que faire de sa marmaille. Nouant des rapports conflictuels avec la religion, l’enfant trouvera cependant là une amie, Hélène, avant de se préparer au métier de couturière. Isolée après qu’Hélène a été retirée brutalement de l’orphelinat par sa belle-mère, Madeleine finit par s’en aller à son tour pour travailler chez une couturière de Limoges autrefois propriétaire d’un commerce florissant. Si les relations avec sa patronne ne sont pas tendres, la jeune femme va se nouer d’amitié avec la cuisinière Léonarde, qui fait figure d’ange protecteur tout au long de l’histoire. Madeleine finira par faire repérer une de ses robes par une actrice parisienne et gagner la capitale. Travaillant d’abord au sein d’une autre maison, Madeleine finit par devenir propriétaire. Ses modèles se vendent immédiatement, les défilés soulèvent l’enthousiasme des clientes et de la critique ; les fidèles sont nombreux, la maison se développe, les collections prennent le plus clair du temps de Madeleine. Cet investissement sans relâche aura un impact sur sa vie personnelle et les relations conflictuelles qu’elle entretient avec Tadeusz, son compagnon et Lucie, leur fille sans cesse rejetée. Jusqu’à ce que chute une Madeleine âgée, privée de son petit-fils Jules et souffrant du vide qui l’entoure.

Le siècle est parcouru en effet, mais les événements historiques ne sont qu’assez vaguement évoqués. On peut s’étonner de traverser par exemple la seconde guerre mondiale sans qu’aucun détail ne soit fourni quant à l’activité de l’atelier pendant cette période. Un peu surprise tout d’abord, j’ai finalement accepté de me concentrer sur Madeleine, qui tourbillonne, crée et se disperse au milieu des matières et des couleurs, tandis que les personnes et les événements alentours gardent une part de mystère, n’intervenant que lorsqu’ils jouent un rôle particulier dans l’histoire personnelle de Madeleine. Tout est en effet centré sur le personnage et au final, j’ai trouvé l’effet plutôt réussi : l’héroïne voit défiler sa vie, il est normal que tous les événements soient filtrés par sa perception parfois étriquée des choses, d’où quelques flous, beaucoup d’interrogations, des vides à combler. On pourrait peut-être regretter la traversée du siècle un peu légère, bien que rythmée par l’histoire de la mode, l’arrivée de grands couturiers et l’évocation de leurs collections. Cela n’empêche pas l’histoire d’être très agréable et, j’ajouterais même, captivante. Car du début à la fin, j’ai eu bien du mal à abandonner ce roman que j’ai lu très rapidement, en prenant beaucoup de plaisir.

Le style un peu froid mais très élégant m’a rappelé Valentine Goby, qui adopte parfois un ton un peu journalistique mais amplement imagé. Cette écriture m’a elle aussi séduite, correspondant à mon sens très bien au personnage de Madeleine, finalement assez distante et détachée.

Beaucoup de thèmes sont évoqués et empêchent le lecteur de se lasser trop vite de l’aller-retour entre l’atelier et les défilés. Parmi eux : les fantômes laissés par la première guerre mondiale ; les camps nazis et les privations de la seconde guerre mondiale, assortis de toutes les réactions animales qu’ils suscitent ; la mode associée au féminisme, conçue par Madeleine comme un outil de sublimation mais aussi de libération de la femme, qui doit pouvoir vivre dans ses vêtements et affirmer sa personnalité à travers eux ; la solitude, la recherche de l’autre, parfois douloureuse et compliquée ; les liens entre parents et enfants, dont la spontanéité, la « naturalité » est questionnée ; la quête de soi ; le rapport au travail et l’arbitrage entre idéaux et pragmatisme. Cependant ils ne sont parfois qu’effleurés, toujours filtrés par le regard de Madeleine. Parfois on peut regretter certains silences, et par exemple se demander pourquoi l’héroïne ne cherche pas à retrouver Hélène, l’amie d’enfance qu’elle dit avoir perdu et qui comptait beaucoup pour elle.

Au final, j’ai aimé me laisser emporter par l’histoire, au rythme des coupes et des chutes de tissus. Le personnage de Madeleine, peu sympathique dans le prologue (qui a été pour moi le seul point faible du roman et me laissait présager le pire), devient d’une certaine manière attachant. Le cadre riche bien qu’évanescent, le contexte particulier ont ajouté à la saveur de cette histoire. Bien qu’inégalement réparti entre les différentes périodes de la vie de Madeleine (suggérant aussi la chute du corps de plus en plus rapide), le défilé des années a également contribué à faire de cette lecture un voyage bien plaisant. Si je comprends bien les critiques faites à ce livre, à titre personnel et hautement subjectif, j’ai savouré avec délice les innombrables séquences de la vie de Madeleine, séduite par leur charme désuet plein de grâce.

Beaucoup l’ont lu avant moi (bonne dernière on dirait… oops!) et sont loin d’être conquis:

Elles ont bien aimé : Caro[line], qui nous dit “Une fois apprivoisé le style, j’ai beaucoup aimé suivre l’histoire de Madelaine Delisle”, et évoque un “style sortant de l’ordinaire” avec “une histoire forte”; Stéphanie qui, après avoir également émis quelques réserves sur le style, parle d’une “belle histoire de femme, une histoire de résilience, un long apprentissage de la vie par celle qui l’habillait sans vraiment la vivre. » ; Emma, qui malgré une ou deux critiques, conclut : « Mais on pardonne tout cela à la romancière, parce que Le temps d’une chute a la grâce d’un tourbillon de taffetas et de soieries…”

Mais en majorité, des « oui, mais » et des déçus : Fashion Victim « Un roman agréable mais pas bouleversant » ; Cathulu « Tout cela est bien trop rapide, à peine a-ton le temps de s’attacher à un personnage qu’il disparaît déjà … » ; même reproche chez Anne « Si le contexte, le décor de l’histoire m’a vraiment grisée, ce ne fut pas le cas pour la biographie de Madelaine. Sa vie est contée de façon complètement disproportionnée. » ; Michel, pour qui il s’agit d’un bon roman mais « Trop de thèmes abordés et aucun n’est traité en profondeur. » ; Lily qui évoque « un roman qui se lit d’une traite, le style élégant et classique est agréable à l’oreille, mais sans réelle surprise » ; Pascal qui parle « d’un récit plaisant et divertissant mais qui sera rapidement oublié comme tant d’autres romans qui ne sont ni des chefs-d-oeuvre ni des abominations” ; Papillon, vraiment déçue: “Un roman vite lu, vite oublié” ; Chatperlipopette, qui, après une présentation très complète du roman, reste un peu sur sa faim : “hormis quelques passages où l’imaginaire est emporté sous la houle du riche vocabulaire varié désignant les étoffes, peu de choses me resteront

263 p

Claire Wolniewicz, Le Temps d’une Chute, 2008

 

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Commentaires

nous ne sommes pas loin dans nos avis, le oui mais provient surtout de l’impression que ‘auteure est passée à côté d’un grand livre
mais il rest eagréable à lire

Écrit par : Michel | 05/09/2008

@ Michel : c’est vrai, j’ai aussi ce sentiment… un livre que j’ai beaucoup apprécié mais qui reste plein de promesses.

Écrit par : Lou | 06/09/2008

J’en ai un excellent souvenir. Ce monde de la haute-couture fait rêver et l’ascension assez fulgurante de Madelaine nous permet d’en percevoir de jolies collections.

Écrit par : praline | 07/09/2008

@ Praline : je suis ravie de découvrir une autre enthousiaste !

Écrit par : Lou | 10/09/2008

ah, dommage, celui-ci aussi est dans ma liste des livres à lire un jour…

Écrit par : liliba | 23/09/2008

@ Liliba : tu devrais vraiment le lire… et puis les avis contrastés sont là pour enrichir le débat !:o)

Écrit par : Lou | 23/09/2008

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