Télégramme

oz_foret_profonde.gif« Ai lu auteur recommandé Oz. STOP. Sujet universel. STOP. Regrette tolérance zéro et recommande écoute. STOP. Lecture rapide. STOP. »

 

On pourrait presque se contenter d’un tel télégramme avec Soudain dans la forêt profonde, conte initiatique ou fable empreinte du folklore yiddish sympathique mais simpliste. Première rencontre avec Amos Oz, auteur mis à l’honneur en ce moment sur Lecture/Ecriture, cette lecture aura été agréable sans pour autant me convaincre totalement. Peu familiarisée avec la littérature israélienne, je n’étais pas particulièrement attirée par l’univers d’Amos Oz et, si j’ai trouvé le sujet de ce petit livre soudain alléchant, je m’aperçois aujourd’hui que ce livre n’est sans doute pas le plus réussi.

 

L’histoire est celle d’un village reculé dans les montagnes, en bordure de la forêt, où les animaux ont disparu depuis si longtemps que les enfants ont cessé d’y croire et prennent leur existence pour de simples fables inventées par les adultes. Lorsque l’un d’entre deux revient de la forêt en galopant et en hennissant, il est traité en marginal ; on le déclare atteint de hennite, maladie peut-être contagieuse. La nuit, les habitants se barricadent en craignant l’arrivée du monstrueux Nehi, créature vivant dans la montagne et rôdant dans les ruelles la nuit, sans doute à la recherche d’enfants égarés. Un jour, deux enfants décident de partir eux-mêmes explorer la montagne, persuadés de trouver des animaux. Mais la nuit tombe et les voilà vraisemblablement pris au piège.

 

Ce texte constitue à mon avis une lecture parfaite pour les enfants. Peut-être un conte à leur raconter sur plusieurs jours, clair et simple, suffisamment empreint de merveilleux pour intéresser un jeune public. En revanche, s’il se veut universel, ce texte est à mon avis trop réducteur pour un lectorat adulte qui, sans s’ennuyer, verra tout au plus une bonne lecture de plage ou de métro dans cette histoire au final très banale. On pense aux contes de Grimm, à tout un univers biblique. Mais si les rapprochements intéressants ne manquent pas, on peut regretter le manque de complexité des rapports entre humains et animaux, entre adultes et enfants ; de même, la cruauté des uns et des autres est évoquée brièvement, le tout pour arriver à une conclusion moraliste affligeante de banalité. Soyons tolérant, écoutons les autres, c’est ainsi que, peut-être, nous arriverons au bonheur et à la paix. Plein de bonnes intentions, ce texte ne se démarque pas par sa brillante originalité et, en visant peut-être un peu trop large, pêche par excès de généralité.

 

L’article assez neutre du magazine Lire évoque « une fable sur l’exil et l’exclusion, sur les vertus de l’innocence, sur les pouvoirs de la mémoire et de la parole » et présente très clairement le sujet ; Heloim insiste sur la description d’un « monde terriblement humain » ;

Vilaindéfaut souligne l’atmosphère étrange et onirique mais regrette aussi le manque d’ambiguïté de ce texte ; même reproche chez Yannick Rolandeau, qui présente Amos Oz et son engagement en faveur de la paix ; Senhzen et Laurence de Lann (Amazon) ont trouvé plus de profondeur à ce texte.

 

126 p

 

Amos Oz, Soudain dans la forêt profonde, 2005

Commentaires

Faut être indulgent, en fait, c’est un livre pour enfants. 😉 Mais c’est vrai qu’en France il y a eu des éditions dans des collections pour adultes, je me demande pourquoi d’ailleurs, et ça fait drôle. Les gens peuvent s’interroger. Mais l’oeuvre d’Amos Oz, ce n’est pas cela, je te rassure tout de suite. Elle vaut le coup d’oeil et plus 😉

Écrit par : Sibylline | 10/09/2008

@ Sibylline : je lirai sûrement ses livres plus connus même si les thématiques m’attirent moins que ce récit qui, à l’origine, me tentait en raison de ses points communs avec les contes yiddish. Concernant ce livre, j’ai lu des critiques très contradictoires. Par exemple Lire ne le présente pas comme un livre pour enfants, plusieurs lecteurs trouvent qu’en réalité il n’est pas adapté aux enfants… je me vois bien le lire plus tard à mes enfants mais pour moi ça reste effectivement adapté à un public jeune.

Écrit par : Lou | 13/09/2008

Tu as raison. Et d’ailleurs, quand je l’ai lu, c’était pour moi aussi mon 1er essai dans l’oeuvre d’Oz et comme toi, ça m’a laissée assez perplexe. Mais je me demande s’il n’y a pas qu’en France qu’il soit passé pour un livre pour adultes. En tout cas, maintenant qu’avec notre mois Amos Oz, j’ai lu plusieurs romans de lui, je peux te dire que ce n’est pas représentatif de son oeuvre. Ouf! ;-))
Mais celui-là, pour les plus jeunes, cartonné avec de belles illustrations, il aurait de l’allure.

Écrit par : Sibylline | 13/09/2008

@ Sibylline : quand j’étais petite mon père me lisait des contes le samedi soir ; il m’a ensuite lu « les lettres de mon moulin »… c’était devenu un rituel incontournable, et je me verrais bien faire la même chose plus tard avec cet Amos Oz. Je lirai en tout cas avec attention les critiques sur Lecture/Ecriture pour essayer de trouver un autre titre à mon goût !

Écrit par : Lou | 13/09/2008

Je ne crois pas que ce soit le meilleur livre pour pénétrer l’univers d’Amos Oz, Lou. Je ne saurais trop te conseiller deux ouvrages de cet auteur israélien, dont « Une histoire d’amour et de ténèbres » et « Les deux morts de ma grand-mère et autres nouvelles ».

Écrit par : Nanne | 13/09/2008

@ Nanne : j’avais pensé à « une histoire d’amour et de ténèbres », son plus grand succès je crois, mais après tout un recueil de nouvelles pourrait être plus approprié pour une « découverte ». Merci de ces conseils !

Écrit par : Lou | 13/09/2008

Ton billet est très intéressant Lou, merci. Ce livre est tout en haut de ma liste pour mon blog, car il présente l’avantage de lire un auteur  » pour adulte  » à des enfants. Je regrette simplement qu’il n’existe pas une belle édition jeunesse ( illustrée, de grand format, un vrai livre pour enfants )

Écrit par : Emmyne | 15/09/2008

@ Emmyne : effectivement cela se prêterait très bien à une édition illustrée, tu as tout à fait raison ! Justement l’intérêt que je trouve à ce livre est, outre la morale du conte dont les enfants feront ce qu’ils veulent, le fait qu’il permet de les sensibiliser à un auteur pour adulte important.

Écrit par : Lou | 17/09/2008

Il est dans ma LAL, mais je crois qu’il va reculer de 3 cases !

Écrit par : liliba | 23/09/2008

@ Liliba : tout le monde recommande d’autres Amos Oz… alors peut-être qu’un autre titre…:o)

Écrit par : Lou | 23/09/2008

Je viens de le terminer. J’ai aimé l’univers merveilleux développé dans ce livre. Et c’est ce que j’aime dans les contes : il y a différents niveaux de lecture, et les enfants comme les adultes trouveront leur part dans cette histoire.

Écrit par : Leiloona | 30/08/2009

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