Le dilemme du lecteur compulsif

perry_cadavre bluegate fields.gifQue faire lorsque vos obligations personnelles et professionnelles vous accordent un temps de lecture relatif, voire, limité, voire, inexistant ? Bien entendu, il serait déplacé de remettre à plus tard votre rendez-vous avec le Président de la Planète Bulle, les pourparlers avec les souris qui hantent et dévastent votre grenier, sans parler de vos batailles incessantes contre le massacre des marshmallows dans la plaine Sud-Ouest du Trucmuchistan. Force est de constater que vous devrez bien vous contenter du temps libre qui vous reste.

Malgré vos envies effrénées de lire Dostoïevski, Proust, Dickens ou l’intégralité des Rougon-Macquart, vous savez bien qu’il faudra attendre un peu, à moins d’accepter d’abandonner David Copperfield à ses aventures sordides toutes les cinq pages. Même une nouvelle un tant soit peu sérieuse est à éviter, compte tenu de votre humeur sombre et distraite du moment. Consciente de l’ampleur du problème, votre chroniqueuse vous propose quelques solutions :

1°) La collection complète des Harlequin : lecture d’un volume en 20 minutes compte tenu des pages sautées ; chaque livre est une victime toute trouvée lorsque vous rentrez le soir après avoir appris le meurtre perpétré sur cinquante marshmallows par une bande de scouts au Trucmuchistan ; le papier des Harlequin est également un excellent combustible qui alimentera avec joie votre feu de cheminée à Noël.

2°) Les romans à suspense / « d’auteur » en vogue : Danny Brouane avec au choix son célèbre Minchi Mode ou La Forteresse animale ; Marcus Levinus et son dernier succès Pourquoi moi ? (on se le demande bien d’ailleurs) ; Cristina Tango et le best-seller incontesté Hier, je suis allée aux toilettes. Là encore, vous avez le choix entre d’excellents combustibles, à un prix cependant légèrement supérieur à la collection citée précédemment (publicité oblige).

3°) Les romans historiques, aux degrés de crédibilité différents.

4°) Ou tout simplement un bon vieux policier, coincé au fond de votre bibliothèque et qui attend sagement de vous livrer ses morbides secrets.

Confrontée cette semaine à un problème de la même ampleur, votre chroniqueuse a opté pour la dernière solution. Son choix s’est porté sur une référence sure, classique, en principe sans surprise : Anne Perry.

Le cadavre de Bluegate Fields est le sixième roman de la série « Charlotte et Thomas Pitt ». A Londres, dans les années 1880-1890, l’inspecteur Thomas Pitt enquête sur les meurtres les plus sordides, aussi bien dans les quartiers pauvres que dans la haute société. Il est secondé par son épouse, Charlotte, issue de la haute bourgeoisie et mariée « en dessous de sa condition ». D’autres personnages apparaissent régulièrement, en particulier Lady Ashworth, la sœur de Charlotte, ainsi que Tante Vespasia, une vieille aristocrate au caractère bien trempé. La série compte une vingtaine de volumes, mais je dois avouer que je les trouve bien inégaux !

L’histoire : lorsqu’un jeune homme est retrouvé nu dans les égouts, Thomas Pitt trouve immédiatement cette noyade suspecte. Après une rapide enquête, on découvre que le corps est celui d’un garçon de 16 ans issu de la haute bourgeoisie. Noyé dans un bain, violé et souffrant de syphilis, Arthur Waybourne semble la victime toute trouvée de son précepteur, Maurice Jérome, un érudit consciencieux et fort antipathique. Jérome est donc arrêté malgré les hurlements indignés du lecteur qui s’insurge de voir l’inspecteur Pitt commettre ce que l’on sait immédiatement être une erreur.

De là découle une petite nouveauté chez Anne Perry : Thomas Pitt ne traque pas simplement un criminel, il va devoir s’interroger sur le bien fondé de l’arrestation et de la condamnation à mort qui s’ensuit ; puis, enfin (!) convaincu de l’innocence de Jérome, Pitt cherchera à établir la vérité afin de sauver le précepteur de la potence.

En résumé, Le cadavre de Bluegate Fields constitue une petite lecture sympathique et rapide, comme tout Anne Perry qui se respecte. Cependant, malgré la condamnation qui devrait permettre au livre de gagner en intensité, il faut bien avouer que cette lecture est un long fleuve tranquille, sans surprise, sans heurt et sans frissons. Peu de suspects, un coupable relativement prévisible… et la traduction en français n’arrange rien.

Petit conseil : ne lisez pas le tome 1, il suffit de savoir que la sœur aînée de Charlotte est assassinée et que Charlotte tombe amoureuse de l’inspecteur qui vient enquêter chez elle. Essayez plutôt le Mystère de Callander Square, mon premier Anne Perry et, à l’époque, un petit coup de cœur. De nombreux suspects, une histoire très noire, une intrigue assez bien ficelée. En somme, un bon moment de détente !

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381 p

Anne Perry, Le Cadavre de Bluegate Fields, 1984

Commentaires

Superbe, Anne Perry est experte pour raconter des histoires.. Toutes les romancières anglaises d’ailleurs, il n’y a rien de mieux pour se détendre… J’adore aussi Elizabeth Taylor, si vous avez l’occasion de lire  » Mrs Palfrey, Hotel Claremont  » ( Rivages Poche ) ne le manquez pas, c(est un bijou d’humour !!

Bonne continuation

Écrit par : mauridub | 29/11/2006

@ Mauridub : merci pour ces encouragements 🙂 Je ne connais pas le roman dont vous me parlez mais je ne manquerai pas de me renseigner !

Écrit par : Lou | 29/11/2006

On peut conseiller aussi les petites histoires drôles d’Alphonse Allais rééditées par R. Laffont (Bouquins) : elles ne font que deux ou trois pages, c’est l’idéal pour une vie entrecoupée d’événements futiles comme un rendez-vous avec le Psdt de la planète Bulle.
(L’honnêteté commande de préciser que l’éditeur n’a pas sélectionné que de bonnes histoires et qu’il faut faire sa propre sélection parmi des centaines – un des rares auteurs français à avoir un humour anglais, Allais.)

Écrit par : Lapinos | 02/01/2007

@ Lapinos : merci de répondre à mes questions existentielles 🙂 Avant le prochain RDV avec le directeur de l’univers Trucmuche je penserai à me pourvoir de ce recueil !

Écrit par : Lou | 02/01/2007

Je viens de passer commande! Le Mystère de Callander Square d’Anne Perry sera chez moi le 17 janvier. J’ai hâte de pouvoir partager avec toi mes impressions!
Du coup, ça me laisse le temps de terminer Vous Descendez de Nick Hornby.
Comme je ne voulais pas qu’il voyage seul, il sera accompagné du huitième tome des Annales du Disque-Monde: Au guet!

Écrit par : Hilde | 06/01/2007

@ Hilde : j’ai beaucoup aimé cet Anne Perry, et j’ai hâte de savoir si toi aussi tu es séduite par l’époque victorienne ! Quant à Nick Hornby, « Vous descendez ? » n’est pas mal mais j’ai surtout adoré « Haute fidélité ». So British !

Écrit par : Lou | 06/01/2007

Bonjour, à part les 4 derniers qui sont achetés mais encore non lus, j’ai eu le grand plaisir de suivre les enquêtes de Thomas Pitt avec sa femme Charlotte. Ce qui est très bien c’est que le temps s’écoule depuis leur première rencontre lors d’une enquête de Thomas. Ils se marient, ils ont deux enfants. Toute la famille de Charlotte entre en scène les romans suivants et la description de cette époque Victorienne à Londres est saisissante. Les actes répréhensibles qui se passent derrière les belles façades sont causés toujours pour des motifs de sexe ou d’argent. La série est vraiment très très bien.

Écrit par : dasola | 13/09/2007

@ Dasola : j’ai feuilleté récemment les quelques Perry qui restent dans ma PAL et je pense en relire un (assez) vite… ça dépend un peu de ma PAL qui est assez monstrueuse !

Écrit par : Lou | 21/09/2007

J’adore ton 2°) 😀

Sinon c’est le premier Perry que j’ai lu et ensuite je les ai pris dans l’ordre (je me suis arrêtée il y a deux ans, je ne sais plus à quel titre depuis j’ai laissé tomber).

Écrit par : Flo | 21/09/2007

@ Flo : voui, cela fait longtemps que je ne me suis pas acharnée sur certains auteurs… il est temps que je m’y remette :o)

Écrit par : Lou | 22/09/2007

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