Woolf, Keynes et Yaël

46b7134d7ff2ada67ade433f6594e3c1.gifLorsque tout à l’heure j’ai fini Le Journal de Yaël Koppman allongée sur une serviette de plage au Champs de Mars, je savais déjà ce que j’allais raconter ici, comment et pourquoi. Deux petites heures ont suffi à me distraire et je crains un accouchement un peu laborieux. Les choses étant ce qu’elles sont, je ferai de mon mieux pour agiter mes neurones et faire un compte-rendu fidèle de mes premières observations. Du moins autant que possible.

Tout d’abord, le contexte. Vendredi soir, en sortant du bureau, je profite du temps qu’il me reste avant le dîner prévu avec une amie à Montparnasse pour me rendre à la FNAC St Lazare. J’ai deux excuses à cela : d’abord ce temple de perdition se trouve sur mon chemin. Ensuite, je voulais acheter le cadeau d’anniversaire d’une vieille amie. Bien évidemment, j’ai un peu trop erré le temps de trouver chaussure à son pied. Chargée de trois livres de poche dont les couvertures m’avaient honteusement alléchée, je suis tombée sur les éditions Sabine Wespieser, sur lesquelles je louche systématiquement tant j’adore le format. Bien que n’ayant chez moi qu’un seul de ses livres, j’apprécie la ligne éditoriale de cette maison et me promets depuis longtemps de découvrir ses textes étrangers. Et là je suis tombée sur le livre de Marianne Rubinstein (pour le coup absolument français), remarquant l’expression « conseillé par les libraires PAGE » sur un fond rose tape à l’œil (type Glamour). J’ouvre l’ouvrage en question, feuillette, vois qu’il est question de chick lit (que je ne connais pas mais dont j’entends beaucoup parler) et du cercle Bloomsbury. Devant Virginia Woolf, Keynes et le texte léger que je tenais entre mes mains, j’ai abandonné sur le champ les trois autres ouvrages et suis repartie, me promettant une lecture de détente ce week-end.

Hier soir, après avoir lu une petite vingtaine de pages, j’ai décidé de mettre de côté mon Huysmans et de profiter du week-end pour bouquiner tranquillement, sans trop réfléchir. Le livre de Marianne Rubinstein était exactement ce qu’il me fallait.

Autant dire que si j’ai peu lu ces derniers temps, j’ai dévoré de minuit trente à deux heures du matin, avant de passer tout mon après-midi sur le Journal de Yaël Koppman, fini sur le coup des 18h. Il faut admettre que l’écriture n’est pas particulièrement recherchée. Et sans le cercle woolfien, le journal aurait en lui-même assez peu d’intérêt : un peu chick lit, très français,  le tout raconte la vie assez monotone de Yaël et de son entourage. Entre la coloc avec le meilleur ami homo (cliché que je reprendrais sans doute si j’écrivais, je l’admets), la cousine qui fait figure de super copine plus mignonne avec une vie amoureuse plus intéressante, le job a priori peu glamour (maître de conf), on a l’impression de réchauffer du déjà vu et resservi. Ce n’est sans doute pas un grand roman. Mais (contre toute attente ?) j’ai adoré passer ma journée en compagnie de Yaël.

D’abord, Yaël n’est pas maître de conf de n’importe quoi. C’est une économiste. D’où son analyse particulière des relations sociales : la question de la répartition des tâches domestiques trouve sa réponse chez Ricardo et son principe d’avantage comparatif ; celle du rangement de la vaisselle devient un dilemme du prisonnier. Sans parler des bulles spéculatives et du problème de l’information, l’une des conditions (jamais réalisées) du marché parfait. J’ai adoré ces analogies amusantes qui m’ont rappelé de vieux amis – même si, avant de m’intéresser à l’économie, j’avais eu des sueurs froides à l’idée de devoir passer par cette matière a priori austère, avant de trembler pour de bon devant de vicieux QCM à système de points négatifs.

Deuxième bon point pour notre maître de conférence : Yaël choisit de s’intéresser à Anjelica Garnett, fille de Vanessa Bell, nièce de Virginia Woolf et filleule de Keynes (rien que ça). Bref, elle aborde un cercle fascinant en s’attaquant à l’un de ses personnages secondaires. Au final, j’ai beaucoup appris sur les triangles amoureux qui se formaient puis se défaisaient parmi tous ces artistes. Le texte donne un bref aperçu de leur mode de vie et offre un éclairage intéressant sur Vanessa Bell et les hommes qui l’ont entourée, plaçant Virginia Woolf en observatrice à part. Ceux qui connaissent bien Bloomsbury n’auraient peut-être pas apprécié ces références autant que moi. Mais ce n’était pas mon cas, et le Journal de Yaël Koppman a été une très agréable entrée en matière.

Ce « roman » sent le vrai journal à plein nez. Dans quelle mesure Marianne Rubinstein a inventé et romancé le tout ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé la chute du journal très espiègle : dans l’épilogue, sa fameuse cousine Clara tombe sur son journal 2002-2003, adore, lui conseille de le publier, disant qu’elle devrait tout de même changer les noms de tout le monde. Sa cousine pourrait par exemple s’appeler Clara. Et puis, il faudrait ajouter un épilogue pour que le lecteur sache ce qui est arrivé à tout le monde ensuite. Ce qui m’a fait tourner la dernière page avec un petit sourire amusé. Merci Yaël, merci Clara pour ce dimanche passé en votre compagnie.

217 p

 

Et n’oubliez pas l’avis de Florinette et celui de Marianne.

Commentaires

merci pour ma LAL 🙂
je note

Écrit par : Stéphanie | 26/08/2007

Oui ça donne en vie tout ça! (faut-il dire merci ou demander un versement anticipé! je suis fauchée!!! 😉

En tout cas… ça devait être mieux que Huysmans… j’ai lu A rebours pour mon cours de littérature en première candi…
Une horreur (enfin pour moi!)
J’attends de voir ton commentaire…
Mon souvenir à son égard et très peu positif (pour ne pas dire qu’il ravive chez moi la nausée! 😉

Écrit par : valeriane | 26/08/2007

Ce qui me donne le plus envie, dans ton billet, c’est « Champs de Mars », « Montparnasse », « Fnac St Lazare »… 🙂
Je n’ai jamais lu de chick-lit (ah si, zut… le 1er journal de Bridget Jones…), et ce n’est pas un genre qui m’intéresse, donc je passe mon tour, mais j’attends Huysmans avec curiosité !

Écrit par : erzébeth | 27/08/2007

Malgré ton beau billet ça ne me tente pas.
Par contre, la serviette de plage sur le champs de Mars c’est sympa! Moi j’avais lu « la biographie de la faim » de Nothom là bas, en entier, mais sans serviette !
Et puis, qu’est ce que vous avez toute avec la FNAC st Lazare ??? il y a d’autres Fnac à Paris les filles vous savez 😉

Écrit par : Emeraude | 27/08/2007

@ Stéphanie : je pense que ça pourrait te plaire :o)

@ Valeriane : j’ai adoré le début du Huysmans, mais si je l’ai un peu mis de côté c’est qu’il n’est pas trop adapté à ma lecture metro boulot dodo actuelle. Très intello, très descriptif, tout un tas de références culturelles qui demandent un peu de temps pour bien apprécier. Mais je vais continuer pour la beauté du style et le côté absurde de cet anti-roman. N’hésite pas à venir laisser ton avis quand je ferai ma note sur Huysmans !

@ Erzébeth : ce n’est pas vraiment de la chick lit (que je ne connais pas non plus), c’est un peu de tout et de rien:o)… c’est un roman divertissant qui m’a surtout attirée parce qu’il parlait de Virginia Woolf. Huysmans coming soon !

@ Emeraude : je rêvais d’aller lire au champ de mars depuis le début de l’été mais comme il n’a pas fait beau, je crois que c’était la première fois depuis mai ou juin. Et sinon je n’aime pas trop la FNAC St Lazare, sauf qu’en l’occurence elle est entre mon boulot et mon home sweet home et que ça dépanne de temps en temps (et puis il y a la maison du chocolat à côté;o)). Mais de manière générale, je préfère celle des Ternes.

Écrit par : Lou | 28/08/2007

Oui ! Je le note ! … Ta présentation est une merveille, comme toujours ! Impossible de résister ! :))

Écrit par : Clarabel | 28/08/2007

Eh bien par curiosité, je suis allée faire ma virée livres à St-Lazare aujourd’hui.
Normalement, je vais soit à côté de chez moi (évidemment) mais la fnac est toute petite et il n’y a pas beaucoup de choix, ou aux halles où là, le choix ne manque pas mais ça fait un peu loin pour moi.
Ce que j’ai aimé à St Lazare aujourd’hui, ce sont les fenêtres donnant sur les immeubles en face sur fond de beau ciel bleu 🙂 aux halles, c’est un vrai souterrain… et puis j’ai tout de même trouvé qu’il y avait pas mal de choix à St-Lazare

Écrit par : Emeraude | 29/08/2007

@ Clarabel : beuh… c’est peu mérité mais très gentil ça :p

@ Emeraude : quelle fnac est toute petite (non non je ne suis pas curieuse !!) ? ça me donne une idée : une virée librairie entre blogueurs… je sais, c’est succomber à la tentation, mais comme de toute façon on le fait tous tout seuls… arrêtons de prétendre que ce n’est pas vrai et assumons ensemble notre vice commun !;o)

Écrit par : Lou | 29/08/2007

Je n’avais pas vu que tu l’avais lu, je vais également rajouter ton lien sur mon article ! 😉

Écrit par : Florinette | 21/09/2007

@ Florinette : pour une fois que je lis un livre français à sa sortie :p

Écrit par : Lou | 22/09/2007

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