De l’art de plaire…

1850061216.JPGOu comment rendre justice à un auteur incontournable en ayant attendu plus d’un mois pour faire cette chronique ?

Petit 1 : D’abord tenter de faire abstraction de la dizaine de bouquins plus ou moins bons lus entre temps.

Petit 2 : Arrêter de dire qu’Hustvedt est un auteur incontournable, génialissime et, on l’espère, un futur Nobel. Honnêtement, Lou, ce prosélytisme en matière hustvedtienne va finir par desservir ta noble cause.

Petit 3 : Vous rappeler cependant qu’une bibliothèque sans un livre d’Hustvedt, c’est un peu comme un livre sans mots, ou, plus prosaïquement et pour ne pas verser dans la poésie de bas étage, comme une tartine sans nutella (là, forcément, je sais que cet argument de poids va parler à bon nombre d’entre vous).

Alors, pour que cette note présente un vague intérêt et parce que je suis une chic fille, je vais vous dire en deux mots de quoi il s’agit : The Blindfold est le premier roman de l’illustre auteur dont nous parlons aujourd’hui. Il ne vous échappera pas que l’héroïne s’appelle Iris (anagramme de Siri) et que l’histoire est sans doute par quelques aspects autobiographiques. Iris est donc étudiante en lettres. Jeune femme brillante mais fauchée, elle multiplie les petits boulots et les rencontres étranges : entre un homme mystérieux qui lui demande de décrire les objets ayant appartenu à une morte (l’aurait-il assassinée ?), un amour ravageur, un photographe inquiétant et un confident un peu trop bavard, Iris, bien mal entourée, voit sa santé décliner de jour en jour. Son comportement change lui aussi, et bientôt, après s’être travestie pendant des soirées en un personnage de roman aux pulsions malsaines, la jeune femme souffrant de troubles de la personnalité sent que le fil entre réalité et fiction est ténu.

Art et littérature se mêlent ici avec brio. Le travestissement, thème cher à l’auteur, est ici abordé à travers une histoire fascinante, où le fait de se déguiser en un personnage masculin hautement symbolique pousse l’héroïne à transgresser les codes et à finir par dépasser sa recherche de liberté en adoptant un comportement dangereux. Iris, passant d’un extrême à l’autre, se révèle être sa pire ennemie, mais ce sont son évolution, ses doutes et ses impulsions qui rendent ce roman si subtil et dense à la fois. Foisonnant de personnages complexes, le récit passionnant donne en soi une excellente raison de découvrir ce roman. Ajoutons à cela l’écriture fluide et la plume superbe de Siri Hustvedt, et voilà un splendide premier roman !

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222 p

Siri Hustvedt, The Blindfold, 1992*

* titre français (Actes Sud, Babel) : Les yeux bandés

Commentaires

Le thème de celui-ci me plait bien! J’aime toujours quand on mêle les arts avec la littérature! Tentée, je suis!

Écrit par : Karine | 21/05/2008

Miam Nutella !
Je me sens dans un état bizarre de n’avoir pas lu d’Hustvedt tout à coup ! Comment ? J’aurais pu manquer un truc si important ?
Côté travestissement, les romanciers du 18e siècle se sont souvent servis de ce « truc » pour faire sortir leur personnage des gangues de l’appartenance (féminine surtout !). Mais le subterfuge plaît toujours car il apporte une note d’humour.
Le tien dans ce billet m’a bien amusé aussi !

Écrit par : Marianne | 22/05/2008

@ Karine : concernant l’art, dans « Tout ce que j’aimais » Siri Hustvedt décrit avec beaucoup d’élégance les œuvres de l’un des héros; cela devrait sûrement te plaire.

@ Marianne : il faut dire que quand j’adore, je ne mâche pas mes mots :p Sincèrement, c’est un excellent auteur contemporain et ses thèmes me séduisent particulièrement. C’est une littérature assez intello, du moins c’est le cas de « Tout ce que j’aimais », qui est particulièrement recherché, avec des portraits très fins. Si tu aimes les romans psychologiques c’est un auteur qui mérite vraiment le détour.
Quant aux romanciers du 18e, j’avoue en connaître très peu. Peut-être aurais-tu quelques conseils, y compris en matière de travestissement ?

Écrit par : Lou | 22/05/2008

Cet excellent roman a été publié en français sous le titre « Les yeux bandés ». Un commentaire là:
http://www.lecture-ecriture.com/critique_livre?livre=1275

PS: Dans « Nutella, un argument de poids », retiens surtout « de poids » Hum, hum… ;-)) Moi, j’ai dû y renoncer
;-(

Écrit par : Sibylline | 22/05/2008

@ Sibylline : ah, je me disais bien que tu allais poster un commentaire sur Hustvedt 😉 Effectivement je voulais rajouter le titre français, j’y ai pensé tout à l’heure.
Quant au Nutella, je me l’interdis également, j’en mange un peu chez mes beaux-parents chez qui je vais au mieux une fois par an (et encore c’est une marque allemande plus noisettes, moins chocolat)… la vie est injuste !:p

Écrit par : Lou | 22/05/2008

C’est intéressant. En vous lisant, je me demandais comment ce livre avait pu ne pas être sélectionné parmi les 14 du Festival du Premier roman, et c’est en arrivant à la dernière ligne que j’ai compris : 1992. Il y a déjà 16 ans que je dois lire ce livre !

NB. Pour les amateurs de premier roman :
http://georges-flipo-auteur.over-blog.com/article-19690974.html

Écrit par : Georges F. | 24/05/2008

@ Georges F. : Merci pour ce lien que je vais voir de suite.
N’hésitez pas à lire Hustvedt. Ce livre est moins abouti que « Tout ce que j’aimais », mais tous deux ont de nombreux points communs et sont excellents.

Écrit par : Lou | 26/05/2008

Je n’ai aucun livre de cette auteure et je n’en ai encore lu aucun non plus ! Il va donc falloir que je remédie à cette erreur !

Écrit par : Joelle | 02/06/2008

@ Joëlle : vraiment elle mérite le détour !

Écrit par : Lou | 03/06/2008

Je viens de le lire, pour un premier roman, c’est assez magistral !

Écrit par : praline | 05/09/2008

@ Praline : oops, je réponds toujours aux commentaires, désolée d’avoir oublié celui-là !! Ravie de voir que toi aussi tu es séduite. « Tout ce que j’aimais » reprend beaucoup d’éléments de ce premier roman, et là c’est vraiment très impressionnant !

Écrit par : Lou | 04/11/2008

Merci bien pour cette recommandation tout à fait élargissant les frontières de notre horizon culturel. Un auteur vraiment à l’esprit large comme je peux juger en ayant lu quelques pages de ce livre acheté d’après votre suggestion.

Écrit par : Daniel | 11/05/2009

@ Daniel : je suis ravie de voir que Siri Hustvedt semble vous plaire. C’est une de mes plus belles lectures ces dernières années !

Écrit par : Lou | 11/05/2009

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