Une jolie bluette

1e5f7f3def178e42ba01b0f420cd9b31.jpgQuand deux génies se rencontrent, on s’attend en général à ce que « quelque chose » se produise. Quand les deux génies en question sont deux auteurs victoriens incontournables et que leurs talents de conteurs croisent romanesque, tragédie et crime, on est en droit d’ouvrir son livre d’un air ému, prêt à vivre une des plus grandes expériences littéraires de son existence. Et lorsque Charles Dickens et Wilkie Collins se rencontrent, que produisent-ils ? Voie sans Issue. Un livre bien inoffensif.

Un livre lu il y a trois jours est un livre momentanément difficile à oublier. Et pourtant voilà votre chroniqueuse qui se creuse la cervelle pour démêler cette lecture de la lecture précédente d’Edith Wharton, confondant les deux potiches blondes qui sévissent par leur platitude dans ces deux romans.

Creusons donc un peu plus. Une grande rasade de Dickens : un refuge des enfants trouvés ; une mère qui vient récupérer son fils, le fait hériter, jusqu’à ce qu’un doute ne survienne quant à son identité. A cela, il convient d’ajouter quelques complots et un grand méchant, fourbe, hypocrite et honteusement mauvais. Le mal dans toute sa crasse et sa lourdeur ! Mais on aime bien ça chez Dickens. Le romanesque, les orphelins, les vilains bougres et les mouchoirs au coin de l’œil. Donc pourquoi pas ?

A cela, ajouter une pincée de Collins. Qui est en réalité Walter Wilding ? Qui sera son mystérieux héritier ? Quel est le faussaire qui s’apprête à compromettre la solidité financière de l’établissement Wilding & Co, négociants en vin ?

Le résultat est sympathique. Ni bon ni franchement mauvais, ce livre est une curiosité qui séduira les amateurs victoriens, les fidèles de Dickens, les disciples de Collins. Ce crû reste cela dit bien inférieur aux productions respectives de chacun des deux auteurs. Bizarrement, ce livre a été écrit en 1867 : Dickens n’en était plus à ses débuts. On pouvait tout de même attendre une meilleure copie de sa part.

Non pas que ce livre soit une nullité, un raté complet. De toute façon, votre chroniqueuse ne se permettrait pas de venir démonter de but en blanc un livre écrit (ou co-écrit) par Charles Dickens, surtout pas après avoir été en pèlerinage récemment dans sa noble demeure.

Les personnages sont assez grossiers, certes. Caricaturaux au possible, exaspérants de gentillesse, dégoulinant de bons sentiments ou crachant à tout va leur bile mesquine. Et pourtant, ils sont plutôt attachants. L’histoire traîne lamentablement lorsque le héros devient assez stupide pour accorder sa confiance au vilain de l’histoire. Le démon tentateur s’approche du jeune innocent. « Viens mon ami, tu peux me faire confiance, je t’aiderai » Et malgré des yeux fuyants et troubles, malgré les humeurs et la mauvaise entente, voilà le grand nigaud qui tombe dans le piège, malgré nos cris, nos avertissements répétés et tous nos soupirs exaspérés. Puis du grand romanesque de feuilletons à trois francs six sous, soudain un meurtre, une réaction théâtrale : « traître ! immonde créature ! tu m’as ainsi trahi ? » (c’est ce qu’on te disait depuis la page 43). Mais malgré tout, l’histoire est mignonnette et sympathique. En somme, ne vous attendez pas au chef d’œuvre du siècle, mais pour ceux qui aiment le XIXe, c’est une curiosité agréable à découvrir. A prévoir avec un thé et une tranche de citron pour les après-midi pluvieux.

189 p

Charles Dickens & Wilkie Collins, Voie sans Issue, 1867

Commentaires

Tes réserves me donnent vraiment envie de le découvrir !! (oui, je suis parfois contradictoire 🙂 )
Mais Fashion m’a grondée récemment parce que je n’ai toujours pas lu Dickens, alors je vais quand même commencer par là…
Mais je note, avec plaisir, parce que l’hiver s’annonce long et moche, et que j’aime les bluettes.

Écrit par : erzébeth | 30/09/2007

Bon, je crois que je vais passer mon tour et continuer à les lire séparément !

Écrit par : Caroline | 30/09/2007

Bon, moi ça me fait dire qu’il faut que je lise du Dickens!!! Et du Collins également, même si je l’ai déjà fait c’était il y a bien lontemps!
(quoique c’est lui qui a écrit la femme en blanc, non ? ça j’en ai gardé un bon souvenir)

Écrit par : Emeraude | 30/09/2007

oh je ne l’ai jamais lu celui-là!!! alors rien que par curiosité….:o)))

Écrit par : lamousmé | 30/09/2007

@ Erzébeth : je te recommande en période de Noël les Contes de Dickens, qui sont excellents (sentimentaux à souhait;o)). Sinon j’ai adoré « David Copperfield », mais c’est un sacré pavé comme la plupart des romans de Dickens… il faut avoir un peu de temps…

@ Caroline : en même temps tu avais plus apprécié que moi le Louisa May Alcott que j’ai attaqué, et honnêtement ce roman-ci me semble déjà mieux ficelé… c’est que je suis un peu dure aussi :o)

@ Emeraude : Oui, « la Femme en blanc » c’est Collins (pas encore lu d’ailleurs). Pour Dickens je te renvoie au petit commentaire que j’ai fait à Erzébeth… mes conseils perso :p

@ Lamousmé : viens me laisser un petit mot ici si tu le lis :o) Par contre je crois qu’il est dur à trouver, donc plutôt d’occasion ou sinon sur les sites en ligne.

Écrit par : Lou | 30/09/2007

Je connais un peu Dickens, pas du tout Collins (pourtant, ces deux auteurs sont assez présents dans ma PAL). Ce livre me tentait, et si un jour il pleut… ;o)

Écrit par : Lilly | 30/09/2007

@ Lilly : en tout cas il fait partie d’une période que tu apprécies beaucoup toi aussi :o)

Écrit par : Lou | 30/09/2007

Donc si un jour j’ai une crise ‘Auteurs victoriens’, j’ai bien compris que je devais les lire séparemment. Merci pour ce conseil à une novice concernant cette période 🙂

Écrit par : anjelica | 01/10/2007

Si j’ai bien tout saisi, ce n’est pas le meilleur pour découvrir cet auteur… 😉

Écrit par : Florinette | 03/10/2007

@ Anjelica et Florinette: voui je crois que c’est déconseillé si c’est pour une découverte… :o)

Écrit par : Lou | 04/10/2007

Je découvre ton blog et je le trouve vraiment très intéressant ça me donne des idées de lecture pour les prochaines vacances. En ce qui concerne Collins, à mon avis, le meilleur, c’est « Sans nom ». Déjà rien que le titre est en lui-même un abîme d’interrogations. Et le personnage de Catherine (je crois qu’elle s’appellle ainsi, mais ma lecture est assez lointaine) est remarquable. A lire aussi « seule contre la loi » : c’est assez proche de « sans nom » en ce qui concerne le combat de l’héroïne contre son époque.

Écrit par : Porky | 08/05/2008

@ Porky : merci pour ce compliment, c’est toujours un plaisir pour moi de voir s’aventurer ici des lecteurs aux goûts littéraires assez proches des miens, prêts à faire des commentaires et à me tenter avec d’autres livres… Je suivrai donc ton conseil… je connais peu Collins, ces suggestions viennent donc à point !

Écrit par : Lou | 08/05/2008

Je viens de le lire et j’ai bien aimé. Il me semble important de signaler qu’en plus d’un roman policier, le livre présente une sorte de composition théâtrale. Les auteurs mentionnent « ouverture », « premier acte », etc.
C’est le mélange des genres parce qu’avec l’intervention de Dickens ont peu y voir un roman social. Mais c’est vrai que l’ensemble peut passer pour « batard » parce que justement « ça tire dans tous les sens ».

Écrit par : Bernie | 14/08/2009

Merci pour la visite ! Oui, j’ai un blog à dominante littéraire, mais il n’y pas que cela et en plus en ce moment il dort un peu !

Écrit par : Bernie | 15/08/2009

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